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Les Songe-creux font valser les mots

  • Journal : Marseille l'Hebdo
  • Date de parution : 19 December 2005

DOUX AMER. La jeune compagnie franco-canadienne la Parenthèse marie danse et théâtralité dans les Songes-creux, d’après les textes de Paul Fournel et Michel Tremblay

C’est une pièce insolite qui a l’accent québécois. Spectacle de danse-théâtre, les Songe-creux font entendre les textes de deux auteurs, le Français Paul Fournier et le Québécois Michel Tremblay. «La pièce reflète t’aventure de la compagnie, explique Christophe Garcia, qui vit à cheval entre Marseille et Montréal. La moitié des danseurs travaille toujours à l’étranger, cela permet plus d’abandon et de recul. J’ai exploité cette richesse biculturelle. Or la danse ne peut pas tout dire, j’avais besoin d’entendre le français, à la fois si proche et si différent sur les deux continents. «

Pour cet ancien élève de Maurice Béjart de 27 ans, passé très vite à la chorégraphie, les Songe-creux présentés à la Friche de la Belle de Mai seront donc un retour à Marseille, où il a créé il y a cinq ans la Parenthèse et présenté Alice, qui empruntait déjà à l’humour acide de Dario Fo. Cette fois, il pousse encore plus loin danse et théâtralité, avec la complicité de la metteur en scène Stéphanie Chaudesaigues, en créant une gestuelle propre à chaque personnage de roman. Dans un décor un peu désuet, tapisserie vieillotte, guéridon, on fait connaissance avec des antihéros terre à terre, englués dans la réalité, qui tentent malgré tout de s’en évader en s’inventant des histoires. «Paul Fournel et Michel Tremblay partagent le même intérêt pour les petites gens, l’un dans les villages de France, l’autre dans les quartiers populaires de Montréal, c’est ce qui m’a intéressé», poursuit Garcia.

Jeannette/Marie Eve Carrière la romantique attend le prince charmant. Léone/Céline Giachero, la boulimique, mange pour tromper l’ennui et grossit au fur et à mesure de la pièce… Tous ont quelque chose du Godot de Becket dans leur éternelle attente déçue. Dans cet univers gris s’immisce d’un coup le merveilleux avec une lampe-lune qui s’envole au plafond, ou des lampions d’un bal musette improvisé, un beau passage où les interprètes virevoltent avec des poupées gonflables. Souvent la cruauté perce, notamment grâce à l’utilisation des faux corps. Le passage du texte à la danse est fluidifié par les chuchotements et les dialogues muets. Les procédés sont parfois trop systématiques, mais, malgré ses défauts de jeunesse, la pièce entraîne dans un univers très personnel, hors des étiquettes. En vieux français, les Songe-creux désignent les rêveurs, les gens lunatiques dont on se moque. Des personnages tels que les aime justement Christophe Garcia.