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Ballets de la Parenthèse, points en suspension

  • Journal : La Marseillaise
  • Date de parution : 25 January 2004

Les Ballets dirigés par Christophe Garcia présentaient récemment à l’Espace Julien, à Marseille, deux opus marqués du sceau de l’humour et de l’ironie .

Cagoulées, corsetées, poitrines bandées, psalmodies de Mammas italiennes, veuves en noir, poupons multipliés à l’infini, tentatives d’émancipation, haros des foules soumises, séducteurs achetant leurs belles avec des dessous affriolants…Des sylphides de la célèbre rêverie romantique crée en 1906 par les Ballets Russes, il ne reste plus grand chose. Et le romantisme idéaliste de la musique de Chopin vient joliment s’encastrer dans la dure réalité de la condition féminine….

Bien qu’un peu bavard (l’opus se termine sur le savoureux mais un peu longuet monologue de la putain chez le psy extrait de Récits de Femmes de Dario Fo et France Rame), les Sylphides imaginées par Christophe Garcia, superbement incarnées par quatre donzelles qui se révèlent comédiennes tout autant que danseuses, distillent un étonnant mais bien inspiré mélange de dérision et de gravité, dans un équilibre assez subtil entre narration et évocation.

Une attente pas ennuyeuse

Avec En attendant, nouvelle création de ce Ballet constitué par cet ancien élève de Béjart et présentée en deuxième partie de cette soirée (qui a hélas attiré peu de spectateurs à l’Espace Julien, scène rarement utilisée pour la danse), on retrouve ce penchant pour « une danse qui parle »et pour un certain comique de situation, mais dans une perspective moins « militante », car elle concerne, hélas, l’humanité dans son ensemble : que faire quand on attend ? Du rendez-vous amoureux à la file d’attente administrative, les situations s’enchaînent sur fond de répondeur téléphonique (délicieux accent québécois nous priant de rester en ligne…)

Cette galerie de portraits pus ou moins éloquents (de la teen-ager mangeant du pop-corn devant un DVD à la Versaillaise bobo, en passant par l’homme d’affaires) mais finalement homogène va au fil du temps d’attente se disloquer, les unes s’atrophiant ou s’isolant tandis que d’autres s’enhardiront en gestes saccadés ou plus souples, s’affranchissant d’une télé ou de vêtements, s’impatientant, partant à l’aventure telle cette Pénélope qui, à l’évidence commence à en avoir marre d’attendre…Au final le constat est clair et presque sombre : retour à la case départ, l’être humain, s’il ne sait pas toujours à quoi s’attendre, n’a pas fini de devoir le faire…

Portés par une troupe homogène, constituée d’interprètes aux physiques pas forcément « classiques » mais tellement plus humains, les Ballets de la [Parenthèse] sont à un tournant de son existence : leur initiateur Christophe Garcia vivant désormais à cheval entre France et Canada (il vient d’intégrer la Cie Cas Public d’Hélène Blackburn à Montréal), ils feront désormais, sous la houlette, appel à des chorégraphes invités. Premier d’entre eux, Frédéric Tavernini, passé lui aussi par Béjart, mais aussi par la Lorraine, Lyon, Montréal avant de rejoindre le Ballet national de Marseille (où la [Parenthèse] a été accueillie en résidence), qui travaille avec la jeune compagnie sur un projet de Noces. La [Parenthèse] n’est donc pas prête de se refermer…