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LES SONGE-CREUX, spectacle de la compagnie “La Parenthèse”

  • Journal : La Revue Théâtral Marseillaise
  • Date de parution : 05 February 2006

LES SONGE-CREUX, spectacle de la compagnie “La Parenthèse”.
Chorégraphie et mise en scène de Christophe Garcia.
La Friche Belle de Mai. 21,22,23 Décembre 2005.

Cela commence dans le silence, par le tableau d’un groupe compact de quatre femmes(Marie-Eve Carriere, Céline Giachero,Charline Peugeot,Soula Trougakos) et deux hommes(Dominique Caron, Arnaud Baldaquin),mal vêtus,figés dans l’obscurité du fond de la scène, prêts à s’élancer. Autour d’eux, en demi-cercle,quelques éléments de décor, dérisoires : un paravent, une chaise de cuisine, un lampadaire, une coiffeuse au miroir entouré d’un boa de plumes d’autruche, une cabine d’essayage meublée d’un tabouret. Voilà tout l’univers franco-québéquois des songe-creux, c’est à dire d’hurluberlus d’un autre temps, de brise-raison démodés qui, affectant de beaucoup songer, entretiennent continuellement des pensées chimériques. On injuriait ces gens-là au XVIIème siècle, mais le poète Jean de La Fontaine, lui, les aimait bien:en témoigne la fable de”La Laitière et le pot au lait” et sa moralité : “chacun songe en veillant, il n’est rien de plus doux”. Christophe Garcia, un ancien du Ballet Béjart Lausanne, les met en scène aujourd’hui avec beaucoup d’humour, à partir de monologues de Michel Tremblay et des propos de Paul Fournel, entrecoupés de musiques de Kimmo Pohjonen, Scarlatti, Motion Trio et de Musettes.

Le rôle de la création théâtrale étant de répondre à des interrogations qui auraient disparu ou qui n’existent pas encore, il faut reconnaître que seule une conception distanciée de la danse et de la déclamation pouvait traduire cet univers d’esprits battant la campagne et faisant châteaux en Espagne. C’est à quoi s’emploient fort bien les danseurs de “La Parenthèse” en traversant le plateau en demi-pliés ou recroquevillés, la tête surgissant des épaules comme d’une carapace de tortue, ou parfois en sautillant et en perdant l’équilibre. Le reste du temps, ils criaillent avec exhaltation, en proclamant des rêves ridicules : devenir une Cendrillon ou une Princesse historique, baisée sur l’épaule par l’Empereur Napoléon III, se métamorphoser en diva qui traverse sa maison en chantant l’opéra, se laisser emballer dans la course de huit chevaux fous tirant la lune derrière la montagne : On assiste en fait, pendant soixante dix minutes, à un spectacle de dingues marqués par le théâtre de l’absurde des années cinquante, et qui, en lever de rideau des reprises de deux belles chorégraphies oniriques de Jorma Uotinen (Un Rêve) et de Jean-Charles Gil (One More Time), savent projeter, sur le ton du persiflage, le sable dispensateur des songes avariés à la veille de Noël.
Philippe Oualid.